Thierry, évêque de Verdun, unit la charge d’archidiacre de la Woëvre à celle de prévôt de la collégiale Sainte-Marie-Madeleine
« Au nom de la suprême et indivise Trinité. Moi Thierry, par la seule grâce de Dieu pasteur de la sainte Église de Verdun, à tous les fils présents et à venir de la foi catholique, paix à jamais dans le Christ. Nous voulons que tous sachent que notre fidèle archidiacre Ermenfroid, – exhorté à l’origine par Haimon, évêque de ce siège de bonne mémoire, appuyé ensuite par les grands encouragements de son successeur Rambert, conforté aussi par les nombreux bienfaits et la pieuse impulsion de son immédiat suivant Richard, et après cela soutenu également par notre appui, pour autant que Dieu le procura, – a rassemblé des frères pour servir le Seigneur sous le titre de Sainte-Marie-Madeleine en ce lieu qu’autrefois on appelait « le vieux Moustier » – qui auparavant avait été consacré par saint Remi, l’évêque de Reims, pour être consacré par l’évêque du siège apostolique Léon, le 9 octobre, avec toutes ses appartenances en liberté et immunité perpétuelles, moi-même pontife de ce siège approuvant et y consentant, y assistant et en même temps le confirmant les archevêques Eberhard de Trèves, Alinard de Lyon, Hugues de Besançon ainsi que mon homologue de Metz, Adalbéron, et une foule innombrable de moines, de clercs et de groupes du voisinage – qu’il s’est efforcé avec nous par son grand labeur et zèle de faire confirmer et corroborer. Quant à moi, j’ai également choisi ce lieu pour sépulture, et ai projeté d’y transmettre avec moi, dans la mesure où Dieu y assentira, quelques-uns de mes biens. C’est pourquoi, avec les autres biens que j’ai concédés à détenir en droit perpétuel, j’ai décidé, sur avis et appel de mes fidèles en Dieu, d’ajouter encore ceci que la charge d’archidiacre [de la Woëvre] serait liée à la prévôté de ce lieu, de sorte que celui que les frères choisiront pour être leur prévôt, l’évêque de ce siège l’établisse en même temps à la fois archidiacre et prévôt. C’est pourquoi le susnommé archidiacre Ermenfroid, comme il était déjà d’un âge avancé, est venu à nous et nous a présenté pour lui être substitué une personne de cette même communauté choisie par l’ensemble desdits frères avec son consentement, puisqu’il s’en était remis à cet accord et manière de faire, ce que notre autorité a confirmé, pour que son successeur et les autres qui au cours des temps à venir viendront prendre sa place, ne présument transgresser la décision prise par nous et lui ; conformément à ce que cette présente charte règle pour ledit prélat et tous les autres frères, alors que le frère Ermenfroid se tenant en leur présence était encore apte de corps et d’esprit à s’occuper et prendre soin des choses, et non moins désireux de veiller sur eux aussi longtemps qu’il vivrait, voulut cependant percevoir avant la fin de sa vie ce fruit de l’espérance afin de se réjouir de la discipline de ses sujets dans la crainte du Christ, confiant dans le Seigneur pour le bon choix du prévôt, et par cette expérience comprendre de son vivant comment, après sa mort, ils doivent s’exécuter envers le Seigneur. Il distribua donc à tous, selon les possibilités de la collégiale, c’est-à-dire que ledit prélat aura en bénéfice reconnu pour lui-même la possession de Tilly avec le ban, l’église et toutes les dépendances, et tiendra le moulin de Jossecourt, l’intérêt des frères étant sauf, hormis que, lors des plaids, il recevra trois parts de tout litige. Mais si pendant le reste de l’année, lui-même, ou les frères, ou leurs serviteurs ou à l’occasion des fêtes des saints ou pour une assistance, une allocation s’obtenait sur un litige, celle-ci reviendra aux frères et le prélat n’y aura rien comme sien à moins de reconnaitre avec tous que c’est pour chacun ; il réservera le grenier et la cave, l’apothicairerie, le potager et tout le reste des victuailles – tout ce qu’il aura préservé – aux seuls moyens de subsistance des frères et à leurs dépenses quotidiennes ; il ne devra aucunement disposer des biens de la collégiale si ce n’est qu’avec leur avis et agrément ; de la familia de la collégiale il aura des camériers et domestiques et aussi longtemps qu’il trouvera parmi eux ceux qui peuvent convenir à ces charges il n’exclura des bienfaits ou des affaires de sa familia ni ses propres serfs ni d’autres serfs, à moins peut-être, pour le salut de son âme, de les affranchir. Mais si pour cette prébende quelqu’un voulait donner ou avait donné une propriété ou un bien-fonds, le prélat n’en acceptera rien pour son propre usage, mais comme pour les autres biens il veillera à ce que cela serve à l’usage communautaire des frères ; et pour que la prévôté parvienne à un plus haut degré de dignité, ceci par la faveur de Dieu, comme nous l’avons établi ci-dessus, nous avons ajouté qu’avec la charge de prévôt et d’archidiacre – parce qu’il est manifeste que les meilleures églises que détiennent les frères relèvent de cet archidiaconé –, il succédera au frère Ermenfroid en tant que son héritier et qu’ainsi ensuite cette charge unie de la prévôté et de cet archidiaconat – lequel ne peut être autrement procuré – demeurera, pour celui appelé à son tour à lui succéder, fixée à perpétuité par le bon vouloir des évêques de ce siège ».
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Cet acte, intéressant à plus d’un titre, présente toutefois dès son premier abord une difficulté, celle de la langue latine dans laquelle il nous a été transmis. En effet, sa tradition est fort réduite, se limitant à un vidimus datant de décembre 1299 qui, comme d’ailleurs l’original, a été perdu mais dont heureusement le contenu a pu être copié par l’un des grands contributeurs à la collection Moreau qui a certifié que la copie qu’il en a faite « est entièrement conforme, nonobstant les solécismes, les mots et les phrases louches et peu intelligibles qui s’y trouvent et qui viennent probablement du copiste ». Ce latin particulier a néanmoins pu se comprendre et se traduire en fonction de l’objet central de cette charte, à savoir l’union de la charge de prévôt de la collégiale Sainte-Marie-Madeleine de Verdun à celle d’archidiacre de la Woëvre (l’un des quatre archidiaconés du diocèse, sis dans sa partie orientale). On ne peut que conjecturer sur le scribe de 1299 ; apparemment peu familier du latin classique, hésitant sans doute aussi devant certaines abréviations, il devait être plus habitué au parler vernaculaire ; à sa décharge, il est aussi possible que l’original n’ait pas été en très bon état. En tout cas, c’est une partie de cette copie que nous trouvons éditée dans les Preuves de l’Histoire ecclésiastique et civile de Verdun, publiée en 1745 par Nicolas Roussel, lui-même chanoine de la collégiale Sainte-Marie-Madeleine. Il a fallu attendre octobre 1787 pour trouver un moine de Verdun s’interroger sur la qualité du texte – questionnement qui jusqu’à nos jours était resté confiné dans l’un des recueils de la collection Moreau à la BnF –, un texte qu’il nous transmet en entier.
Ce questionnement ne conduit pas non plus à mettre en cause l’authenticité de l’acte. On note toutefois qu’il ne comporte ni clauses comminatoires, ni souscriptions, ni non plus de formules de datation ; ces éléments que l’on retrouvera plus tard dans les chartes de l’évêque Thierry, n’appartiennent pas systématiquement à sa première période diplomatique, celle de ses quatre premières années d’épiscopat (de son arrivée début 1047 jusqu’à la fin de l’année 1049, après le passage de Léon IX en octobre, période d’ailleurs tourmentée pour Verdun, ravagée par l’incendie du 25 octobre 1047 qui a notamment affecté la cathédrale et qu’avait provoqué les troupes de Godefroid le Barbu, duc de Basse-Lotharingie, alors en révolte contre l’empereur et venu assiéger la cité). Ainsi les cinq premiers actes de Thierry ne comportent pas de souscriptions, ni non plus de recognition, une seule fois des clauses comminatoires et deux fois des formules de datation. C’est une diplomatique qui n’apparait pas encore bien établie, sans doute émanant d’une chancellerie épiscopale en reconstitution et qui sans doute se cherche encore, alors qu’auparavant les actes épiscopaux émanaient du scriptorium de l’abbaye Saint-Vanne.
Ermenfroid, fondateur de la collégiale de la Madeleine
Le dispositif essentiel que porte cet acte est donc l’union de l’archidiaconé de la Woëvre à la prévôté de la collégiale Sainte Marie Madeleine. Pour comprendre cette décision, il faut d’abord se rappeler l’histoire de la collégiale et de son fondateur, Ermenfroid. Ce dernier est un personnage qui a marqué la Lotharingie et bien au-delà, pendant un demi-siècle. Formé à Liège, du temps de l’évêque Notger, comme d’ailleurs l’avait été l’évêque Haimon (990-1025), il a commencé sa vie religieuse comme chanoine du chapitre cathédral de Verdun dont il fut coûtre et archidiacre. C’est avec l’appui de Haimon, son évêque que, grâce aussi à la générosité royale et aux largesses des grands qu’il avait su intéresser à son projet, il institua, en 1018, sur la colline dominant l’antique passage à gué sur la Meuse, dans l’angle nord-est du castrum, une collégiale sous le titre de Sainte-Marie-Madeleine et au nombre, assez exceptionnel pour un établissement de ce type, de vingt-cinq chanoines. Sa vie nous est assez mal connue. Ainsi, par exemple, on ne sait à quelle date il devint archidiacre ; ce fut sans doute après 1032, année où une charte de l’évêque Rambert nous livre les noms des titulaires des quatre archidiaconés, et où Ermenfroid n’apparait pas. Celui-ci est mentionné comme clerc dans un diplôme impérial daté de Metz le 16 juin 1040, et un autre de Spire le 10 juin 1047, ce qui pour autant ne veut pas dire qu’il n’était pas archidiacre à ces dates-là. Une inscription funéraire sur une dalle du chœur que rapporte le pouillé (Robinet 1888, t. 1, p. 175) nous apprend qu’il avait entrepris en 1040 d’agrandir l’église collégiale et que celle-ci, neuf ans plus tard, était pratiquement terminée. On sait par ailleurs que, fin septembre 1049, il faisait partie de la suite de l’évêque Thierry venu à Reims assister à la translation des reliques de saint Remi par Léon IX et participer au synode que celui-ci y avait convoqué. C’est à cette occasion que Thierry et Ermenfroid demandèrent au pape, en route pour Metz et Mayence, de faire étape à Verdun pour, entre autres, opérer la consécration de l’église de la Madeleine.
À la Pentecôte 1060 (dimanche 14 mai), Ermenfroid est encore mentionné comme étant archidiacre dans un acte du duc Godefroid le Barbu réglementant les sous-avoueries de Verdun, alors que son successeur (mentionné comme « noble chanoine » de l’Église de Verdun) apparait dans une charte de l’évêque Thierry en 1060 ; c’est donc au cours du second semestre de cette année 1060 qu’il abandonna effectivement ses charges de prévôt et d’archidiacre, selon les modalités qui en avaient été précisées onze ans plus tôt et qui avaient abouti à l’élection du « noble chanoine » Henri de Dampierre.
Ermenfroid vécut encore près d’une dizaine d’années jusqu’au 23 ou 24 septembre 1069 ou 1071. Le « Calendrier de Notre-Dame » (Kalendarium Sanctae Mariae), l’un des nécrologes du chapitre cathédral de Verdun l’a ainsi inscrit : « obit de dom Ermenfroid, prêtre du précieux Seigneur, chanoine et coûtre de la cathédrale Notre-Dame, qui, habitant de cette ville, fit vénérablement reconstruire, grâce à la miséricorde divine, le temple de Sainte-Marie-Madeleine, dont on ne parlait plus. Que le saint pape Léon a magnifiquement consacré de son vivant. Où servant Dieu sans interruption, épuisé par son grand âge, il s’endormit dans la paix le 8 des kalendes d’octobre et fut enterré trois jours plus tard, l’an de l’Incarnation du Seigneur 1069 ». L’inscription funéraire rapportée par le pouillé situe sa mort en 1071, de même que les Annales de Saint-Vanne (MGH, SS, t. X, p. 526).
Quoi qu’il en soit, en 1049, il était présenté comme ayant déjà un âge avancé ; à sa mort, son obit comme on vient de le voir, le décrit épuisé par son grand âge : si l’on considère qu’en 1018, au moment de la création de la collégiale Sainte-Marie-Madeleine, il devait être un jeune chanoine d’environ une trentaine d’années, cela fait de lui en 1049 un sexagénaire, un septuagénaire en 1060 et pour le moins un octogénaire au moment de son décès. En tout cas, il apparaît avoir vécu bien plus que la moyenne des gens de son époque pour que son âge soit signalé comme élevé dans cette charte de 1049, ainsi que par sa mention nécrologique.
Ceci explique donc qu’il ait voulu avoir un successeur de son vivant, car il ne se sentait plus apte à exercer pleinement ses responsabilités de coûtre du chapitre cathédral, de prévôt de Sainte-Marie-Madeleine et d’archidiacre de la Woëvre (charge qui l’amenait à devoir se déplacer dans cette juridiction pour les visites canoniques des deux doyennés, comme on le voit en 1055). C’est d’ailleurs dans cet archidiaconé que la collégiale détenait la majeure partie de ses biens, ce qui explique aussi la décision d’unir les deux charges.
Ermenfroid fut un personnage de grande notoriété, disposant d’un entregent certain dans le monde lotharingien et même impérial : c’est par son entremise que, par exemple, le duc de Haute-Lotharingie Godefroid le Barbu obtint de se réconcilier avec l’empereur Henri III. Les louanges qui l’entourent sont unanimes.
Henri de Dampierre
Henri de Dampierre est donc devenu prévôt et archidiacre du vivant d’Ermenfroid, selon la procédure indiquée par le texte de cette charte. C’est Ermenfroid lui-même, « vieillard encore existant » comme le mentionne dom Colloz, qui a demandé qu’un successeur lui soit désigné, lequel a dû entrer en fonction au cours du second semestre 1060 car, comme on l’a vu, à la Pentecôte (dimanche 14 mai) Ermenfroid est encore noté comme archidiacre (règlement du duc Godefroid le Barbu) et dans la charte pour Gorze (Évrard [éd.] à paraître, no 28) datée de 1060, Henri de Dampierre souscrit en tant qu’archidiacre et prévôt de Sainte-Marie-Madeleine, alors que le 14 mai il est encore simplement mentionné comme « noble chanoine de notre église » (« Signum Heinrici nobilis ecclesie nostre canonici ») et sans doute déjà désigné pour succéder à Ermenfroid. On découvre ainsi que l’ensemble du processus s’est opéré en trois phases principales : d’abord en 1049, d’une part l’union de l’archidiaconé de la Woëvre et de la prévôté de la collégiale Sainte-Marie-Madeleine et d’autre part les modalités d’élection à cette charge unie, ensuite la désignation d’Henri de Dampierre comme successeur d’Ermenfroid, et enfin, dans la seconde moitié de l’année 1060, la prise de fonction effective d’Henri de Dampierre du vivant d’Ermenfroid.
Henri de Dampierre a selon toute vraisemblance été choisi par Ermenfroid lui-même car il appartenait à une riche famille de l’aristocratie régionale, les comtes de Dampierre en Astenois (dans l’archidiocèse de Reims) devenus par mariage comtes de Toul. Henri de Dampierre fut prévôt et archidiacre à Verdun de 1060 à 1075 avant de devenir évêque de Liège (1075-1091), où il est connu sous le nom de Henri Ier de Verdun.
Cette union d’une prévôté et d’une charge archidiaconale n’est pas un phénomène nouveau pour le diocèse de Verdun, c’est même la troisième fois que cela se produit. Il y eut, en effet, en premier lieu l’union de la charge de princier (ce mot est la forme lorraine du terme « primicerius / primicier », haut dignitaire venant à Verdun après l’évêque et avant le doyen du chapitre cathédral) avec celle de Grand archidiacre, qui incluait Verdun et une partie du nord du diocèse (de ce fait, cet archidiaconé prit le nom d’archidiaconé de la Princerie), puis fin IXe-début Xe siècle celle de la prévôté de la collégiale Saint-Germain de Montfaucon (relevant au spirituel de l’archidiocèse de Reims, mais au temporel du comté de Verdun) avec celle d’archidiacre d’Argonne (lequel dans les chartes épiscopales verdunoises est généralement cité en troisième position hiérarchique après le princier et le doyen du chapitre cathédral, l’archidiacre de Woëvre venant en quatrième place). Il faudra attendre près de 280 ans pour qu’en 1328, le quatrième et dernier archidiaconé, celui dit de la Rivière, soit uni à la prévôté de la collégiale Saint-Maur de Hattonchâtel.
Quelques remarques de vocabulaire
Le terme « lieu » (en latin locus) qui est utilisé neuf fois dans le texte désigne en fait à sept reprises un établissement religieux, et donc majoritairement ici la collégiale de la Madeleine. De même, le mot « église » (ecclesia), également rencontré neuf fois, peut avoir un sens plus vaste que « église » stricto sensu pour ainsi s’appliquer à un monastère ou une abbaye.Le terme « prélat » que l’on rencontre à cinq reprises désigne d’une manière générale toute personne munie d’un pouvoir, occupant un rang élevé (cf. Niermeyer 1976, p. 834 et 848) mais aussi plus particulièrement l’évêque, un dignitaire ecclésiastique subordonné à l’évêque, notamment l’archidiacre, ou encore le chef d’un communauté religieuse monastique ou canoniale. Le terme prélat convient bien dans le cas de ce texte, désignant à la fois le prévôt et l’archidiacre, mais ici il est plus essentiellement à comprendre comme prévôt. D’ailleurs, à l’époque dont il est question, les termes ne semblent pas vraiment bien fixés ; par exemple on trouve ainsi encore le mot praefectus (gouverneur, administrateur, chef) pour désigner le prévôt de la collégiale (d’après les Gesta episcoporum Virdunensium).
L’un des intérêts de ce texte est également de s’inscrire dans la lutte contre la simonie (c’est-à-dire l’achat et/ou la vente des charges religieuses) que porte dans sa diplomatique, depuis l’origine, l’évêque Thierry, ardent partisan de la réforme religieuse, à l’image de celle qu’avait développée l’évêque de Toul, Brunon (devenu le pape Léon IX en 1048). Il n’y a donc pas lieu de s’étonner de trouver une allusion antisimoniaque indiquant que le prévôt/archidiacre ne peut rien recevoir directement pour sa prébende, mais que tout don doit aller directement à la communauté. Cette notion de la gratuité du transfert des charges se retrouve dans nombre de chartes de l’évêque Thierry ; chaque fois qu’il donne une église à une abbaye ou qu’il lui confirme la possession de biens de cette nature, il a soin de préciser que, si le choix du desservant revient à l’abbaye ou à son délégué, l’archidiacre devra lui conférer le soin des âmes (cura animarum), et qu’il le fera à titre absolument gratuit (gratis et sino pretio).
Cet acte d’octobre 1049, outre ce qu’il permet de d’apprendre et de comprendre sur l’histoire de la collégiale et de son fondateur, nous permet donc aussi de découvrir l’un des aspects les plus importants de la pastorale mise en œuvre par Thierry de Verdun.
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Édition du texte latin de l’acte
[1049, 9 octobre. – Verdun]
A. Original perdu.
B. Vidimus sous le sceau de la curie du princier de Verdun (5 décembre 1299) perdu. – C. Copie sur papier de ce vidimus par dom Michel Colloz (11 octobre 1787), BnF, coll. Moreau, t. 215, fol. 226-227, d’après B.
a. Nicolas Roussel, Histoire ecclésiastique et civile de Verdun, 1ère éd., Pr, p. 8 (édition partielle) ; 2ème éd., vol. 2, Pr., Bar-le-Duc, 1854, no 6, p. VI, sous la rubrique : « Union de l’archidiaconé de la Woivre à la prévôté de Sainte-Madeleine – 1049 » (édition partielle).
C
In nomine summe et individue Trinitatis. Ego Theodericus, sancte Virdunensis ecclesie sola Dei gratia pastor, omnibus catholicae fidei filiis presentibus et futuris, perpetuam in Christo pacem. Notum esse volumus omnibus quod fidelis noster Ermenfridus archidiaconus, primitus Haimonis bone memorie hujus sedis antistitis exhortatione, et non parva consolatione adjutus, deinde Ramberti successoris ejus, Richardi quoque subsequentis, plurimis beneficiis et pio instinctu consolatus, nostro etiam post hoc in quantum Deus dedit, adjutorio fultus, in loco qui antiquitus dicebatur “vetus monasterium” fratres ad serviendum Domino aggregavit, et sub titulo sancte Marie Magdalene sicut prius a sancto Remigio consecratus fuerat Remensis scilicet ecclesie pontifice, a domno apostolico antistite Leone IX idus octobris consecrari, et cum omnibus ad se pertinentibus perpetua libertate et immunitate, favente et adstipulante me ejusdem sedis pontifice, adstantibusque et simul confirmantibus archipraesulibus Treverense Everardo, Lugdunense Alenardo, Vesontino Hugone, Metense quoque compare meo Adelberone, et innumera monachorum clericorum et circumfluentium populorun caterva, firmari et corroborari magno nobiscum labore et studio procuravit. Ego quoque ibi locum sepulturae meae delegi, et me et, in quantum Deus annuerit, aliqua de meis mecum eidem loco tradere cogitavi. Quapropter cum caeteris que perpetuo jure retinanda concessi, hoc adicere fidelium Dei meorum quoque sententia poscente decrevi, ut archidiaconatus honor sic prepositure hujus loci consentiat, ut quem fratres prepositum sibi elegerint, hujus sedis antistes utrumque simul et archidiaconum et prepositum esse constituat. Quapropter hic supra nominatus Ermenfridus archidiaconus, cum jam provecte esset etatis, ad nos venit et personam de ipso eodemque loco consensu et electione eorumdem fratrum electam, sui loco subrogandam nobis representavit, ut quo pacto et ratione ipse delegaverit et auctoritas nostra firmaverit, hic ipsius successor et ceteri in processu temporis ejus vicem subituri constitutum et a nobis et ab ipso terminum transgredi non presumant ; juxta quod ipsi prelato et ceteris fratribus discreta singulis hec presens carta determinat, cum enim in presentia eorum astans frater Ermenfridus adhuc corpore et animo res ipsas curare et ordinare sufficiat, nec minorem pro ipsis quandiu vixerit curam habiturus, voluit tamen hunc de labore suo ante finem vite spei fructum percipere, ut de disciplina subjectorum in timore Christi de diligentia electi provisoris in Domino fretus prius unanimiter conversantibus congaudeat, et experimento vivens intelligat, quomodo post obitum suum se in Domino transigere debeant. Divisit ergo singulis, prout loci possibilitas dictat, videlicet ut ipse prelatus discretum sibi beneficium, scilicet Tiliam potestatem cum banno et ecclesia et omnibus appendiciis, et molendinum de Josini curte teneat, salva in ceteris re fratrum, excepto quod de placitis tertias questus partes accipiat. Si vero per reliquum anni eis evictum aut ipse, aut fratres, aut ministri eorum, aut in festivitatibus sanctorum, aut pro adjutorio proce questum fecerint, ipsis in communi prebenda proveniat, et nichil suum ibi prelatus nisi cum singulis quantum singuli recognoscat, granarie et vinarie, apothece, jardarium et reliqua penus omnis, intacta penitus ab ipso, solis fratrum stipendiis et cotidianis sumptibus pareat, et nichil de ecclesie rebus, nisi cum eorum consilio et voluntate disponat, de familia ecclesie camerarios et domesticos habeat, et quamdiu in ipsis invenerit qui suis obsequiis obtemperare valeant, ne propter proprios nec propter alienos servos, illos a beneficiis aut a re sua familiari excludat, nisi forsitan pro salute anime sue illos ecclesie manumittat. Juniores vero et nimis industrios diversis artibus et commoditatibus patria pietate erudi faciat, pro captu et possibilitate loci ut proventuum ubertate ac sterilitate, cotidianis fratrum sumptibus, quod oportunum et possibile sit, nichil imminuat, ne occasione necessitatis ad secularia negotia et inanes mereaturas militantes Deo recurrere oporteat, nisi aut in proprio fundo aut in ecclesiarum terris, aliquis eorum per ministros suos ad domesticos sustentandos, et ut elemosinam clymentius impendat, fructus agrorum suscipiat. Preterea his adnecti et simul confirmari placet quod pro salute anime sue et eorum qui sua bona eidem ecclesie contulerunt, confirmandum cum omni desiderio obsecrat, prebendam ipsius loci cum a vita persona decesserit, si est aliquis in congregatione regulariter institutus et inter ipsos hinc conversatus et in scolis eruditus, pretio non emat sed fultus testimonio ipsorum fratrum gratis ipsam assegnatus, tantum opulum caritatis semel in refectorio fratribus pro sua possibilitate exhibeat, et prelatis competentia debita pro viribus tribuat, nisi pro superne remunerationis intuitu, et pro ipsius fraternitatis amore ipsis dimitttant. Si vero quis aut predium aut fundum pro ipsa prebenda dare voluerit aut dederit, prelatus nichil inde in proprios usus accipiat, sed sicut de ceteris bonis communiter in usus fratrum provideat, et ut ampliorem ipsa prepositura dignitatis gradum optineret, hoc ex Dei munere, sicut supra statuimus, ipsi adjecimus ut cum honore prepositure in archidiaconatum ipsi fratri Ermenfrido presto heres succedat, et sic deinceps iste continuus honor prepositure et hujus non in alium mutuati archidiaconatus sibi invicem in hac sorte successuris perpetua stabilitate per benevolentiam hujus sedis antistitum permaneat, quia meliores ecclesias quas ipsi fratres habent ad ipsum archidiaconatum pertinere evidens causa manifestat. Addicimus his eulogias quas prepositus debet accipere et reliquis sub se ministris sint relinquende, quas etiam ipsi fratres in proprium retinere eulogias de bannalibus et majoribus villis quas majores debent, prepositus ex consensu et consensu fratrum accipiat ; de minoribus ministris, scilicet decimarum et molendinorum, sive saltuum custodibus, et has etiam quas villicus supra bona que intra vel circa hanc civitatem continemus, debet celerarius vel qui in transcensu bona ecclesie retinent, fratres habeant ; qui autem a vicariis aut a propriis ecclesiarum presbiteris debentur, aut a terrarum suarum cultoribus, scilicet in villis suis ubicumque manentibus ubicumque debentur, sunt enim quedam villlule nostre ubi non debentur, ipsa canonicorum communitas fraterna recipiat. Si quis autem hujus honoris susceptor ultra quod sibi, coram presentia et testimonio hujus nostre Virdunensis ecclesie fidelium, in hac carta delegatum est, cupiditatis frema laxaverit preter communem fratrum consensum, rem sibi non concessam usurpare temptaverit, cum a gremio sancte matris ecclesie sequestramus et, nisi resipiscat, auctoritate beati Petri apostolorum principis omniumque sanctorum et nostra imperpetuum condempnamus.
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Sources et bibliographie complémentaires
Annales Sancti Vitoni Virdunensis, G. Waitz (éd.), MGH, SS, t. X, p. 525-530.
Évrard J.-P. (2020), « À propos d’un acte de Thierry de Verdun et du culte de Marie-Madeleine », in D’un regnum à l’autre : la Lotharingie, un espace de l’entre-deux ? Von regnum zum Imperium: Lotharingien als Zwischenreich?, T. Martine et J. Nowak (dir.), Presses universitaires de Nancy-Éditions universitaires de Lorraine, p. 325-350.
Évrard J.-P. (éd.) (à paraître), Actes des évêques de Verdun (des origines à 1224), Caen, Presses universitaires de Caen.
Gesta episcoporum Virdunensium et abbatum Sancti Vitoni, MGH, SS, t. X, 1852, p. 486-515, Continuatio, p. 516-525.
Huyghebaert N.-N., « Saint Léon IX et la lutte contre la simonie dans le diocèse de Verdun », in Studi Gregoriani nel IX centenario del primo esilio di Ildebrando racoltati da G. B. Borino, Rome, Abbazia di San Paolo di Roma, 1947, p. 417-432.
Niermeyer J.-F. Mediae Latinitatis lexicon minus, Leiden, Brill, 1976.
Robinet N. Pouillé du diocèse de Verdun, Verdun, Ch. Laurent, 1888.
Image d’illustration : BnF, coll. Moreau, t. 215, fol. 226v.
OpenEdition vous propose de citer ce billet de la manière suivante :
Jean-Pol EVRARD (26 juin 2024). Thierry, évêque de Verdun, unit la charge d’archidiacre de la Woëvre à celle de prévôt de la collégiale Sainte-Marie-Madeleine. ACTÉPI. Consulté le 12 juillet 2025 à l’adresse https://doi.org/10.58079/11w5p